III] LA CARTE VITALE ET LE R.S.S.

L’ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise des dépenses de soins prévoit la généralisation du programme SESAM Vitale d’ici à l’an 2000 ainsi que le déploiement du Réseau Santé Social …

1997 a été le prélude d’une réforme complète et en profondeur du système d’information des organismes d’assurance maladie et des professionnels de santé. Au cœur de cette métamorphose il y a le projet SESAM Vitale (Système Electronique de Saisie de l’Assurance Maladie) qui consiste en une saisie à la source par tous les professionnels de santé et à une transmission vers les caisses des informations figurant actuellement sur les feuilles de soins et les factures. Ce système prévoit l’élaboration d’une Feuille de soin électronique (FSE) signée numériquement par le professionnel de santé et par l’assuré grâce à la carte de professionnel de santé (CPS) et à la carte Vitale, ainsi que la transmission de toutes les factures soumises à un remboursement aussi bien celles faisant l’objet d’une dispense d’avance de frais que celles directement payées par le patient. Cette " télétrans " particulière emprunte un réseau intranet sécurisé : le Réseau Santé Social ou RSS.

Ce système d’échanges électronique sécurisé des feuilles de soins , apparu en 1978 et expérimenté dès 1980, doit permettre la dématérialisation des documents nécessaires au remboursement des soins. Le projet initial n’avait d’autres objectifs que la seule diminution des coûts de gestion des caisses, avec la suppression ou la reconversion des très nombreux postes de liquidateurs. Ce projet n’a finalement suscité un intérêt que lorsque cette approche productiviste fut modifiée par l’ordonnance du 24 avril 1996 et que l’on eut cherché à en faire un outil de maîtrise médicalisé des dépenses de Santé. C’est en effet sur ce projet que repose :

La nécessité d'une mise en commun des moyens de développement du programme SESAM-Vitale a incité les trois grands régimes de Sécurité Sociale (régime général, régime agricole, régime des professions indépendantes) et l'union des régimes spéciaux à créer le G.I.E. SESAM-VITALE en février 1993.

Les missions du GIE ont été définies dans son contrat constitutif de février 1993 puis précisées et élargies par son Comité Directeur au fur et à mesure de l’avancement du projet. Il s’agit de l’étude, la normalisation, la sécurité, l’homologation, la mise en œuvre, le suivi d’exploitation, l’évolution du système et de la carte. Il doit notamment participer au codage des pathologies, à l’ordonnance électronique, à la mise à jour de la carte de professionnel de santé CPS à partir du poste de travail du professionnel, à l’éclatement à la source des flux vers les organismes obligatoires et complémentaires, à la carte Vitale individuelle inter-régime ou CSV 2 et à l’intégration dans cette carte du " volet d’informations médicales "…

 

      1. Les Composants du système SESAM Vitale :

Ce système utilise :

  

Afin d’intégrer ces divers composants, les progiciels de santé doivent respecter un cahier des charges. Le Cahier des Charges SESAM-Vitale est diffusé depuis le 11 décembre 1996. Ce document, élaboré par le GIE SESAM-VITALE, a été validé par l'ensemble des acteurs présents au sein du GIE SESAM-VITALE, à savoir l'Assurance Maladie Obligatoire, le Centre National des Professionnels de Santé et le Ministère des Affaires Sociales. Il constitue le cadre technique de la généralisation du système SESAM-Vitale.

 

      1. L’Agrément des Progiciels des Professionnels de Santé :

Le cahier des charges décrit l'intégration des modules logiciels fournis par l'Assurance Maladie (les services SESAM-Vitale) dans le poste de travail du Professionnel de Santé ainsi que la procédure d'agrément des progiciels des Professionnels de Santé, après réalisation de cette intégration.

Le cahier des charges SESAM-Vitale 1996 se distingue des précédents par plusieurs aspects :

 

Le Centre National de Dépôt et d’Agrément (CNDA) est chargé de la diffusion :

Le principe du scellement des logiciels a été abandonné pour éviter qu'il ne soit un frein à l'évolution normale des produits proposés par le marché. Seul l'exécutable sera déposé et non plus les sources du programme. Néanmoins l'agrément des logiciels a été maintenu afin de garantir qu'un produit utilisé par les professionnels de santé a bien la capacité de fournir des feuilles de soins électroniques. Mais l'agrément ne porte que sur cette seule fonctionnalité, à l'exclusion de toute autre. Mais il ne préjuge en rien de la capacité de la société éditrice à apporter aux professionnels de santé des produits et une qualité de services répondant aux exigences d'une informatique professionnelle.

Cet agrément est effectué à titre gratuit (sauf en ce qui concerne les frais de dépôt de dossier, versés à l'agence de protection des programmes). L'API (Application Programing Interface), ou descriptif de l'ensemble des procédures permettant au progiciel du professionnel de santé d'utiliser les ressources et fonctionnalités offertes par les modules SESAM Vitale sont fournis par le GIE aux SSII (Sociétés de Service en Ingénierie Informatique). Pour éviter d'avantager une société par rapport à une autre, ces API sont fournis aux environnements informatiques les plus courants. Mais contrairement au discours officiel, on s'aperçoit rapidement que les logiciels de Médecine sont pratiquement tous agréés comme ceux des infirmières et des kinés mais aucun logiciel pharmaceutique à ce jour (Avril 1999). D'après les principales SSII " pharmaceutiques ", la raison est simple : le GIE est incapable de fournir les API compatibles avec UNIX ou Prologue. Ainsi, tous les logiciels, pour être utilisés, devront répondre aux nonnes du cahier des charges de 1996 version 96-1.20b, y compris ceux qui ont déjà obtenu l'agrément pour les sites expérimentaux mais répondant dans ce cas aux normes 1993.

Ainsi comme les logiciels fonctionnant sous Windows ont un agrément plus rapide, car l’interface est entièrement compatible avec la norme TCP IP, de nombreux éditeurs se lancent dans la course en changeant de système d’exploitation ou en proposant un double système. C’est d’ailleurs le choix de CIP qui propose son logiciel sous UNIX mais qui permet l’utilisation de logiciels sous Windows à partir d’un autre poste. Caduciel Informatique a intégré le cahier des charges du CNDA mais émet de grandes réserves : " SESAM Vitale est dépassé avant d’être né, c’est tout le système et en particulier la mise à disposition des informations par l’intermédiaire d’une carte à puce qui est aujourd’hui obsolète. Quant au RSS, la solution Cégétel utilise à la base des normes vieillissantes. Toute l’installation informatique des officinaux est à revoir pour passer à Windows ". Nous verrons par la suite que cette société n’est pas la seule à contester ce projet. Toutefois, il faut préciser que ces principales sociétés ont tout à gagner en développant un logiciel agréé, c’est un marché de plusieurs millions de francs qui se dessine à l’horizon, marché dont il ne faut pas être absent !. A ce jour le logiciel le plus avancé dans l’agrément du CNDA est Winpharma d’Everys, c’est le seul système a être réellement écrit dès l’origine pour Windows, en langage C++, comme Word ou Excel de Microsoft. De plus Winpharma a toujours fonctionné sous Windows NT, capable de gérer les grosses configurations de plus de 10 postes. Les clients d’Everys peuvent imprimer leurs factures, tickets de caisse et étiquettes en francs, et en Euros. Pour ce qui concerne l’an 2000, depuis l’origine, le logiciel gère les dates à quatre chiffres. Et enfin c’est la seule société capable de vous fournir gracieusement un CD d’évaluation du logiciel complet mais " bridé " sur simple demande. Cette offre permet donc de découvrir les principales fonctions du logiciel avant de l’acheter et de mieux appréhender la simplicité d’utilisation de l’environnement Windows.

Comme nous pouvons le constater il reste beaucoup de travail aux SSII avant de pouvoir fournir un logiciel agréé SESAM Vitale. Le GIE veille toutefois à assurer une information précise et " objective " des professionnels de santé notamment par le biais de son serveur Internet : http://www.sesam-vitale.fr/agrement.htm ou Minitel 3614 CNDA, remis à jour chaque semaine.


Part des logiciels agréés par professions de Santé
Les Pharmaciens sont inexistant !

Parallèlement aux logiciels, un agrément est délivré aux lecteurs de cartes afin de répondre aux spécifications de l'assurance maladie en terme de sécurisation des transactions électroniques. Les sociétés, ASCOM Monétél et DASSAULT Télécommunication ont reçu cet agrément. Il existe donc deux types de lecteurs bi-fentes sur le marché permettant de lire toutes les cartes compatibles avec la norme ISO 7816 (et notamment les cartes à puces Vitale et CPS). Dans un premier temps le GIE a prévu d’acheter les lecteurs pour les revendre aux SSII. Ensuite on migrera vers un processus d’agrément (encore un) des distributeurs. Le centre National des Professionnels de Santé qui représente les organisations professionnelles au sein du GIE souhaite que les lecteurs soient multi-applications avec une fonction monétique par lecture des cartes bleues. Des études sont en cours mais les lecteurs mis actuellement sur le marché ne permettent pas encore cette fonction.

 

B] SESAM Vitale : Comment ça marche ?

En pratique, SESAM Vitale c’est le remplacement de la carte traditionnelle de l’assuré social par une carte à puce dénommée VITALE, ainsi que la fourniture au Professionnel de Santé (PS) d’une carte d’identification la Carte de Professionnel de Santé (CPS). Cette CPS de par sa présence dans le lecteur conjointement à la CSV permet la signature de la FSE. Ce système obligera la saisie en direct de l’ordonnance ainsi que la télétransmission ultérieure aux organismes sociaux de tous les flux soumis à remboursement (avec ou sans dispense d’avance des frais), l’adressage aux organismes obligatoires des ordonnances papier qui restent les pièces justificatives dans l’attente des ordonnances électroniques. Elle obligera à terme la consultation sur la carte Vitale 2 d’un certain nombre d’informations médicales, Volet d’Information Médicales (VIM) dont le contenu est en cours de définition par l’Etat et les Professionnels de Santé.

SESAM Vitale, un système qui comprend impérativement : deux types cartes (la Vitale 1 familiale puis Vitale 2 l’individuelle et les CPS pour les pharmaciens diplômés et pour le personnel de l’officine), un lecteur bi-fente connecté au poste de travail informatique du professionnel de santé, des bornes de télémise-à-jour à disposition des assurés pour mettre à jour leur carte et éventuellement des consulteurs pour lire les cartes pour les professionnels qui ne sont pas équipés de lecteurs reliés à l’informatique. Ce système se composera à terme du volet AMO (Assurance Maladie Obligatoire), du volet AMC (Assurance Maladie Complémentaire) et du VIM (Volet d’Information Médicale).

 

La Carte Vitale 1 et 2

Figure 19 : Présentation de la carte Vitale 1

 

    1. Le contenu de la Carte Vitale :

      La carte Vitale est une carte à microprocesseur, dite " carte à puce ", de la taille d'une carte bancaire et pouvant contenir environ 8 pages de texte. Gratuite, elle est destinée à remplacer l'actuelle carte " en papier " de l'assuré social. La première version de la carte Vitale est de type " familial ", c'est-à-dire qu'elle contient les données administratives relatives à l'assuré ouvrant-droit et aux bénéficiaires ayants-droit Les caisses d'Assurance Maladie Obligatoire se chargent de la personnalisation des cartes, c'est-à-dire de l'inscription électronique des informations dans la mémoire de la carte.

      Elle contient le nom et prénoms de l'assuré, son numéro de sécurité sociale, l’identité des bénéficiaires, l’organisme d'affiliation, la caisse de remboursement, le type de ticket modérateur, la durée des droits et éventuellement la couverture complémentaire. Elle est donc le reflet du dossier administratif du bénéficiaire, sa durée de validité est de trois ans pour les Assurances Maladie Obligatoire. La carte Vitale n'est pas un moyen de paiement. Elle permet la prise en compte immédiate des droits de l'assuré et la transmission des feuilles de soins électroniques.

      Figure 20 : Données de la carte Vitale 1

    2. L’évolution de la Carte Vitale :

      Avant l’an 2000, la seconde génération de cartes Vitale CSV2 devrait être une carte " individuelle " qui pourrait contenir un volet d’informations médicales (V.I.M.). Ce volet pourra contenir trois types d’informations accessibles aux professionnels de santé identifiés par leur CPS : données relatives à l’histoire médicale du patient, des données d’urgence (groupe sanguin, nom du médecin traitant, …etc.), un historique des soins récents (trois derniers mois de traitement).

       

    3. La Carte Vitale 1, A quoi sert-elle ? :

      A la question " Pourquoi ne pas attendre la disponibilité de la carte Vitale 2 ? ", on nous répond qu’il est indispensable que les Français soient équipés d’une carte à puce pour que les professionnels de santé puissent transmettre électroniquement les feuilles de soins. Bien sûr, tous les acteurs sont à peu près d’accord pour reconnaître qu’il est nécessaire d’informatiser rapidement le traitement des feuilles de soins pour améliorer la gestion de la sécurité sociale, mais aussi pour permettre l’élaboration de données statistiques , épidémiologiques, etc.… Par contre les avis divergent quand on veut nous faire croire qu’il est obligatoire de munir tous les Français d’une carte à puce pour que la télétransmission fonctionne.

       

    4. La mise a jour de la Carte Vitale :

      Tous les changements de situation administrative d'un assuré n'entraîneront plus l'envoi d'une nouvelle carte. Grâce à sa mémoire réinscriptible, la carte Vitale peut être mise à jour pendant une durée de 3 ans. Des points de mise à jour permettront aux assurés de consulter les informations figurant dans leur carte et de déclencher la mise à jour télématique. Une question se pose : un porteur de carte peut-il se présenter devant n’importe quelle borne en France pour mettre sa carte à jour ou doit-il se rendre dans un centre donné pour effectuer sa mise à jour ? Autrement dit, est-il prévu de mettre les bornes en réseau autour d’un fichier central national, similaire au centre national de contrôle des cartes bancaires (sauf qu’au lieu de contrôler quelques millions de cartes bancaires, il s’agit maintenant de plus de 60 millions de Vitale) ou est-il prévu de déployer des réseaux départementaux par exemple ? N’ayant pu obtenir de réponse à ce sujet, il semble que c’est cette dernière solution qui ait été retenu par la CNAM. Ainsi, si cette hypothèse se confirme peut-on nous expliquer comme un assuré Picard, malade durant ses vacances dans le midi de la France par exemple, pourra mettre à jour sa carte si ses droits sont périmés ? Pour le moment, mieux vaut ne pas y penser !


      Borne de mise à jour : Tout y est sauf l'imprimante ! ...
      Comment obtenir une attestation papier : Comme avant !, en faisant la queue au guichet.

    5. Combien de carte Vitale faudra-t-il ? :

Une étude de renouvellement a été réalisée par Nicolas Crêtaux. Le nombre total de cartes distribuées est en fait fonction de la date de mise à disposition de la carte Vitale 2. Ainsi la première hypothèse était pour juillet 1999 comme l’a affirmé André LOTH, de la CNAM au Quotidien du Médecin le 23 février 98. La stratégie d’alors était : " plus on remplace vite moins ça coûte cher ". Ce qui est comptablement exact, mais alors, encore une fois, pourquoi avoir distribué la Carte Vitale 1 ? La deuxième version encore d’actualité est fin décembre 1999, si l’on en croit le décret N° 98-275 publié au Journal Officiel le 9 avril 1998. L’article 3 précise que la carte Vitale 1 peut être provisoirement utilisée " à titre transitoire jusqu’au 31 décembre 1999 ". Enfin, il apparaît aujourd’hui, qu’une nouvelle stratégie a été mise au point par Mr Fragonard : retarder au maximum le remplacement des cartes afin de ne pas exploser le budget prévisionnel " officiel " de 3,9 milliards de F au 31/12/99. D’autre part ce retard facilite les rapports entre la direction de la CNAM et ses employés. En effet, comment " recycler " les très nombreux postes de liquidateurs sans créer un mouvement social de grande envergure ?

Quelle que soit la date, on aboutit au même résultat au final. 37,5 millions de CSV 1 distribuées et mises à la poubelle un an après sans compter les cartes renouvelées entre temps. Et plus la CSV2 tardera, plus on renouvellera de CSV1. Le nombre total de cartes en première distribution est donc d’environ 98 millions. A 27 francs pièce, prix auquel la CNAM achète les cartes, la facture s’élève à 2,6 milliards de francs en premier équipement, ce à quoi il faut rajouter le montant des cartes renouvelées.

De plus le texte du décret paru au J.O précise que c’est à la CPAM qu’incombe la responsabilité de faire parvenir sa carte à chaque français. Il faudra donc payer le transport, l’emballage, la mise sous enveloppe et l’envoi des cartes : coût estimé 23 F pièce.

La distribution des CSV1 est achevée à ce jour : 37,5 millions de cartes distribuées. Il aura donc fallut 1 an pour les distribuer. Prenons donc comme hypothèse que les 60 millions de CSV2 seront distribuées début janvier 2000. Il faudra donc logiquement 2 ans pour les mettre en service puisqu’il a fallu un an pour deux fois moins de CSV1. Ainsi distribution achevée début 2002. A ce stade, il aura déjà fallut renouveler les CSV1 perdues ou détériorées. Monsieur Fragonnard, de la CNAM, a prévu une durée de vie des cartes de 36 mois. Pour information, les cartes bancaires sont remplacées tous 12 ou 24 mois.

De plus comme la CSV n’a aucune valeur marchande aux yeux de son porteur contrairement à la carte bleue, il ne faut pas imaginer que celui-ci va y faire très attention. Ainsi une durée de vie de 3 ans semble aléatoire. Même si on la considère de 3 ans, on change 20 millions de CSV2 tous les ans (60/3), si elle est de 2 ans : 30 millions par an (60/2) et enfin si elle d’un an et moins : 60 millions et plus par an. Il semble raisonnable de prendre 2 ans comme durée de vie.

On aura donc entre :

A 27 F pièce, la CSV coûtera 7 milliards de francs dont une bonne partie en pure perte car détruite au bout d’un an. Le calcul est fait pour 5 ans d’exploitation, ce qui correspond à la durée de concession du RSS accordée à CEGETEL. Il ne tient pas compte des nouvelles cartes émises tous les ans pour les nouveau-nés.

    1. Que faire des Cartes Vitale a l’Officine :

      Dans sa circulaire N°98-19, le Syndicat des Pharmaciens de la Somme, indique que dans notre département, les patients se présentent dans leur pharmacie munis d’une carte Vitale flambant neuve. Mais qu’en faire ? La participation des pharmaciens d’officine à SESAM Vitale est, aujourd’hui encore, conditionnée par la finalisation d’un accord avec l’Assurance Maladie, qui ne peut se réaliser tant qu’une convention entre la profession et la CNAM ne sera pas signée, et tant que les revendications relatives à la mise en œuvre de SESAM Vitale ne seront pas satisfaites. " Ne vous laissez pas griser par les sirènes des cartes à puce ! ". Dans notre région où la carte Vitale est totalement distribuée l’avertissement est plus pressant que jamais. En effet, outre les insuffisances d’équipement qui interdisent, pour le moment, au pharmacien de traiter les cartes Vitale de ses clients, il convient de rappeler que la profession ne s’est pas encore engagée dans ce nouveau dispositif de facturation électronique. " Zéro contentieux, Zéro papier ". Cet objectif illustre clairement ce que le pharmacien, qui n’est pas demandeur de SESAM Vitale, ni du transfert de charges qu’il implique, attend de l’Assurance Maladie.

      Le " zéro contentieux " recouvre le fait que la carte Vitale doit constituer une garantie de paiement des factures subrogées, dès lors que cette carte signe les factures électroniques. La carte Vitale, en tant que carte d’assuré social, doit devenir opposable.

      Le " zéro papier " sous-entend quant à lui que les caisses règlent le pharmacien à réception des flux électroniques, et non à l’arrivée des ordonnances, lesquelles ne doivent plus être considérés comme des pièces justificatives du paiement mais simplement comme des pièces de contrôle des informations du flux. Dans ce cadre, il importe que le ramassage des ordonnances soit à la charge des Caisses.

      Le syndicat réclame que soient pris en compte les frais d’utilisation du système, par la voie d’une indemnité pérenne incluant les surcoûts d’équipement, la maintenance obligatoire (en particulier pour les médecins), et le temps consacré à la préparation et au traitement des flux.

       

    2. Quelques erreurs rencontrées a l’Officine :

      La mise en place de la carte Vitale en Picardie a amené les pharmaciens à se servir de l’attestation fournie aux assurés en remplacement de leur ancienne carte de " sécu " papier. Voici trois exemples d’erreurs parmi tant d’autres que peuvent contenir les fiches reflets et donc les cartes Vitale.

      Il ne s’agit pas d’informations rentrées ultérieurement lors de mises à jour, mais bien d’informations insérées dans la puce de la carte par les ordinateurs de la sécurité sociale lors de la distribution de la carte.

      Figure 21 : Erreur de complémentaire, Fiche Reflet d'une carte Vitale 1

       

      Sur cette fiche, l’ayant-droits (Mickaël) bénéficie de la complémentaire " Carte Santé 80 " du 01/11/97 au 31/12/98, seulement celui-ci fin décembre 98 ne bénéficiait plus de cette complémentaire depuis déjà 2 ans, tandis que le reste des personnes présentes sur cette attestation délivrée par la sécurité sociale en bénéficient jusqu’au 31 décembre 1999. Comment le pharmacien peut-il dans de telles conditions vérifier les droits si les dates de validité sont fausses ?

       

      Figure 22 : Erreur de saisie, Fiche reflet d'une carte Vitale 1

      Sur cette carte, comme on peut le voir, Guillaume apparaît deux fois : même date de naissance, code de rang 1 et 2, et droits ouverts jusqu’au 14/02/97 pour l’un et 06/10/99 pour l’autre. On pourrait penser qu’il s’agit de jumeaux ayant le même prénom, et bien non il n’en est rien. " Marie-Josée " n’a jamais eu qu’un seul fils. Quand on parle de clones…

       

      Figure 23 : Code erreur informatique dans une carte Vitale 1

      Le " code erreur " pour de nombreux logiciels et matériels informatiques est le 9999. Ici nous le voyons les droits sont ouverts jusqu’au 99éme jour du 99émé mois de la 99éme année, mais de quel siècle ? Il est bien sûr évident que pour la Mutualité Sociale Agricole, ce type de code indique que les doits sont permanents. Mais l’utilisation de ce code risque de poser de sérieux problèmes lorsque la carte Vitale sera lue par les logiciels officinaux et non plus simplement retranscrite comme actuellement par un opérateur. Nous risquons également d’être gênés le 9 septembre 1999 : 09.09.99 soit 9999. A suivre …

       

    3. Conclusion :

Même si l’enthousiasme affiché – ou forcé ? – des membres du GIE SESAM Vitale est bien marqué, il ne doit pas laisser dans l’ombre les problèmes qui peuvent se poser. Particulièrement celui du contenu de la carte vitale 2. En effet, On pourrait assister au retour du code personnel de l’assuré lorsque la carte individuelle comportera le Volet d’Information Médicale. Un gigantesque casse-tête en perspective au regard des expérimentations en cours (oubli de code…). Plus sûrement encore, lorsque régimes obligatoires et régimes complémentaires ne se soupçonneront plus de vouloir se phagocyter l’un l’autre, la carte devra disposer de l’espace mémoire nécessaire aux informations destinées aux régimes complémentaires et véhiculer ce fameux carnet de santé électronique. Mais là encore la CSV2 tout comme la CSV1 n’a rien à voir avec un CD ROM.

Sous les réserves éthiques, réglementaires et législatives, évidentes et cachées, qui devront présider au contrôle des accès aux informations physiopathologiques du malade, à ses facteurs de risques, ses antécédents… sur quelle carte seront-elles mémorisées à l’avenir ? Après la CSV1 et la CSV2 aurons-nous droit à son évolution vers la Cardlink de la Commission Européenne à la Santé ? ou à la G8 Card et à ses ambitions planétaires ? Il ne s’agira plus alors seulement de rechercher l’information, sur quelque support que ce soit, mais pour un professionnel de santé de connaître les sources fiables, mises à jour fréquemment.

 

La Carte des Professionnels de Santé

Le GIP " CPS " a pour mission d'émettre et de gérer les cartes de la famille CPS. Parmi les membres du GIP, on retrouve en premier lieu l’Etat (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie et enfin le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche). On trouve ensuite les régimes d’Assurance Maladie (CNAM TS, MSA, CANAM Professions Indépendantes), les régimes complémentaires, les Ordres professionnels (Médecins, Pharmaciens, Chirurgiens-Dentistes, Infirmières et Kinésithérapeutes) et enfin les organismes utilisateurs (OPHIS – Organisation Professionnelle d’Harmonisation en Informatique de Santé, le centre national de l’équipement hospitalier, la fédération des médecins généralistes MG France et le service de Santé des Armées).

 

 

Figure 24 : Données de la Carte de Professionnel de Santé

 

 

Il existe 5 types de cartes :

Les Professionnels de Santé libéraux qui se font remplacer peuvent obtenir une CPS de Remplacement, elle contiendra leur propre identifiant auquel s'ajoutera l'identifiant du remplaçant temporaire.

 Données communes :

 

    1. La CPS :

      La CPS est une carte à microprocesseur permettant à son porteur de s'identifier, de s'authentifier pour accéder aux systèmes d'information médicale, d'attester de sa qualité de professionnel, d'accéder à des informations dans le respect des droits liés à sa fonction, de signer électroniquement les opérations qu'il effectue et de participer au chiffrement des données.

      La CPS est délivrée exclusivement aux professionnels de santé réglementés, c'est-à-dire les professionnels de santé régis par un ordre (chirurgiens-dentistes, médecins, pharmaciens, sages-femmes) et les auxiliaires médicaux (audioprothésistes, ergothérapeutes, infirmiers, manipulateurs d'électroradiologie médicale, masseurs-kinésithérapeutes, opticiens-lunetiers, orthoptistes, orthophonistes, pédicures-podologues, psychomotricien).

      Le GIP "CPS" s'engage à assurer la continuité du service (remplacement en cas de vol, de destruction, de perte ou de mauvais fonctionnement). Il reste propriétaire de la carte qu’il distribue. Le titulaire de la CPS a le droit et le devoir de l'utiliser dans les conditions prévues par le protocole d'usage qu'il passe avec le GIP "CPS" et qui figure au verso du formulaire de demande de carte. Une carte CPS peut être limitée à un établissement.

      Chaque profession a son code couleur spécifique, pour la pharmacie, cette carte est verte, et rouge pour les médecins. Dans la puce sont rentrées les données professionnelles du titulaire : le N° ADELI, la civilité, le nom d'exercice, le prénom usuel, la profession, la spécialité de qualification, les orientations particulières ainsi que la situation professionnelle. Mais aussi des données qui concernent plus le mode d'activité : identifiant établissement, la raison sociale, le secteur d'activité, la forme juridique, le mode d'exercice et l'inscription au tableau de l'ordre pour les pharmaciens.

      Son utilisation est simple, car la CPS est compatible avec les environnements informatiques usuels. Elle ne nécessite que l'installation sur le poste de travail du professionnel d'un lecteur de carte capable de lire simultanément la CPS et la CSV. La CPS, conforme aux normes de sécurité européennes et internationales les plus exigeantes, est un élément essentiel de sécurisation de tous les systèmes contenant des informations médicales et administratives. Dotée d'un système de reconnaissance " carte à carte ", la CPS, et elle seule, permettra d'accéder aux informations médicales qui seront contenues dans la carte Vitale 2. Avec la CPS, il est possible de signer électroniquement chacun des messages émis. Les choix techniques qui permettent la réalisation de cette signature donnent des garanties supérieures au support papier.

    2. La CPF :

      Elle est destinée aux Professionnels de Santé en Formation. L'attribution des cartes CPF est liée à l'autorisation délivrée par les Directions Régionales des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS). Seules les autorités compétentes dans ce domaine peuvent autoriser l'attribution d'une carte CPF ou la retirer. La carte comporte le bandeau de la future profession ainsi que le N° DRASS. D'autre part on retrouve dans la puce, les données professionnelles et personnelles du titulaire.

       

    3. La CPE :

      La carte CPE est destinée aux personnels d'établissements de santé (établissements de soins, centres de santé, pharmacies, laboratoires, personnels de cabinets médicaux... ). Les cartes CPE destinées au personnel placé sous la responsabilité d'un titulaire de CPS sont demandées par le responsable de l'établissement (officine ou cabinet médical). L'utilisation de ces cartes est limitée aux applications autorisées par l'établissement. Seul l'établissement dans le cadre duquel elle est utilisée peut décider de son attribution, de sa mise en opposition ou de son retrait. Sur un fond bleu pâle elle porte la mention "Carte de Personnel d'Etablissement" On retrouve l'identifiant établissement (FINESS, SIRET ou identifiant cabinet libéral) ainsi que le N° de registre personnel, la civilité, le nom patronymique et les prénoms.

    4. La CPA :

      La carte CPA est destinée aux personnels autorisés du secteur de la Santé et leur permet d'accéder au Réseau Santé Social (RSS). La demande est faite par la personne représentant l'institution qui signe un contrat global avec le GIP "CPS" sur les conditions d'usage des cartes de son établissement et l'autorisation émane du Ministère chargé des Affaires sociales. La responsabilité de déclarer les pertes, vols ou retraits appartient au responsable de l'établissement. L'utilisation de la CPA est définie par l'organisme demandeur dans le respect des conditions prévues par le protocole d'usage passé avec le GIP "CPS". Elle est limitée aux applications autorisées par cet organisme. Sur un fond vert d'eau elle porte la mention "Carte de Personnel Autorisé". On retrouve là encore l'identifiant de l'organisme (SIRET), le N° de registre personnel ainsi que l'identifiant de l'établissement et les données du titulaire.

       

    5. La CSA :

      La carte CSA est destinée aux serveurs applicatifs afin de garantir la sécurité à l'ensemble des acteurs qui doivent disposer nécessairement de moyens compatibles pour s'identifier et s'authentifier aux fins de se connecter au réseau. La demande est faite par le responsable de l'établissement qui est garant de son utilisation. On retrouve le nom d'exercice de l'exploitant de la CSA, le nom de l'application, l'identifiant d'établissement et la raison sociale ainsi que le secteur d'activité.

       

    6. Comment les obtenir ? :

Toutes ces cartes émises par le GIP "CPS" à la demande du professionnel de santé. Un formulaire pré-rempli (à l'aide des informations du Fichier Image Nationale des Professionnels de Santé = FINPS), auquel est joint les conditions générales d'utilisation de la carte lui est adressé par la DDASS. Il faut donc vérifier les informations qui y figurent avant de le retourner à l'organisme mentionné sur le formulaire. Elle ne peut être délivrée qu'avec l'accord des autorités compétentes (Ordres et DDASS). La CPS est adressée dans un délai de deux à trois semaines. Le professionnel de santé reçoit sous 48 heures par pli séparé son code d'accès personnel.

Les secrétaires, les préparateurs en pharmacie, ... peuvent bénéficier d'une CPE ; il suffit d'en faire la demande lors de l'envoi du formulaire. De même que le remplaçant en formation doit demander sa CPF. Toutes ces cartes ne sont délivrées au regard d'un seul critère : la légitimité de l'exercice professionnel.

Comme tous les professionnels de santé, les pharmaciens devront débourser 100 F par carte (CPS + autant par CPE) la première année.

En cas de changement de situation d'exercice, de perte, de vol, le professionnel doit en informer selon la nature de la modification l'Ordre (changement d'inscription : titulaire <-> assistant), la DDASS (changement d'adresse ou de département) ou la CPAM dont vous dépendez (changement de données conventionnelles). Lorsque le GIP "CPS" recevra les informations, dans un premier temps la carte sera renouvelée, dans un second temps, les modifications se feront par télémise-à-jour en effectuant cette opération directement sur le poste de travail.

La CPS peut contenir pour un même professionnel huit situations d'exercice différentes et autant de situations de facturation pour les feuilles de soins. Il suffit de les indiquer sur le formulaire de demande de carte. Chaque professionnel de santé pourra avec une même carte réaliser une feuille de soins électronique, dans son cabinet, dans le cabinet d'un confrère s'il effectue un remplacement ou encore dans un établissement de soins s'il exerce dans cet établissement.

En cas de perte de la CPS, dès le constat de la perte ou du vol, il faut informer le Centre de gestion du GIP 'ICPS" par téléphone au 01 44 53 33 90, avec confirmation par courrier ou télécopie au 01 40 16 90 15, la CPS sera ainsi aussitôt mise en opposition. Dans le cas de l'oubli du code il convient d'informer aussitôt le centre de gestion du GIP "CPS" au même numéro et ainsi grâce au code de déblocage reçu en même temps que le code porteur, il sera possible de réinitialiser un nouveau code secret. Si le lecteur de carte ne peut plus lire la CPS, c'est que la carte a dû être endommagée accidentellement, il faut donc joindre là encore le centre de gestion du GIP.

 

Le Lecteur de Cartes

 

Les lecteurs vendus par le GIE SESAM Vitale, qui seul agrée les lecteurs, sont des appareils de première génération, basique et mono-application, qui plus est avec un coût non négligeable pour le professionnel de santé : 4000F par poste. A l'avenir, le professionnel aura besoin d'un système multi-applicatif pour pouvoir lire autre chose que la Carte Vitale: les Cartes Bancaires, les Cartes Santé Pharma... Malgré l'annonce faîte par le GIE SESAM Vitale et le GIE Carte bancaire en septembre 1997, ce n'est pas encore le cas des lecteurs mis sur le marché. A ce sujet, Dassault AT est en attente d'agrément de son lecteur multi-application : le Tésauris Santé.

Une autre possibilité de lire les cartes existe en utilisant des consulteurs. Il s'agit de calculateurs non branchés sur informatique permettant de lire la puce uniquement. Ce sont des outils simples d'un coût moindre (environ 150F). Une solution simple et peu coûteuse à la porté du pharmacien dans l'immédiat ? Pas tout à fait, puisque les calculateurs de première génération ont tous été distribués et que ceux de deuxième génération ne sont pas encore disponibles. " La CNIL est opposée à la distribution de ces derniers tant que l'accès à certaines informations n'est pas limité par la carte du professionnel de santé ", souligne Pierre Leportier, responsable de la Commission Protection Sociale de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF).

 

Elaboration des FSE

Les documents donnant lieu à une FSE sont la feuille de maladie élaborée par le médecin, le chirurgien dentiste, la sage femme… On trouve aussi le volet de facturation (payante ou subrogatoire) du pharmacien, la feuille de soins des infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes…

 Pour élaborer la FSE, il faudra :

  1. Activer les postes de travail et insérer la CPS et les CPE dans les lecteurs

  2. Insérer la CSV en présence de l’assuré (ce qui va poser de nombreux problèmes aux pharmaciens)

  3. Dispenser les médicaments et saisir les informations de facturation

  4. Signer numériquement la FSE par le code confidentiel du PS (CPS ou CPE), toutefois, la lecture de la CPS peut être préalablement imposée par d’autres applications installées ou non sur l’ordinateur du professionnel telles que la consultation de bases de données du RSS, la téléformation…

  5. En fin de journée constituer les lots de FSE et procéder à leur signature par la CPS

  6. Télétransmettre les différents fichiers aux centres informatiques destinataires

  7. Adresser les ordonnances papier aux organismes obligatoires

 En pratique, en début de journée, le pharmacien et ses collaborateurs, activeront les postes de travail et inséreront la carte CPS et les CPE dans les lecteurs et par conséquent ne devront plus changer de poste informatique. Le patient présentera au PS sa CSV, et fournira ainsi ses renseignements administratifs qui s’afficheront automatiquement sur l’écran de l’ordinateur et initialiseront la FSE. Après la délivrance des médicaments, lorsque le PS élaborera la FSE, la présence des 2 cartes (CSV et CPS ou CPE) permettra aux 2 parties de signer électroniquement et de valider le document en vue d’une transmission ultérieure. Quand il le souhaite, le pharmacien procédera, grâce au module SESAM Vitale, à la constitution de lots de FSE et les certifiera en tapant son code porteur.

L’obligation de délai de transmission est dans les 3 jours qui suivent la création de la FSE Payante et dans les 8 jours dans le cas d’une facturation en tiers-payant. Une fois transmis les lots de FSE seront à conserver sur une période de 90 jours. Cette disposition est destinée à permettre la retransmission d’un lot en cas de perte de données. L’archivage électronique est à l’initiative de l’officine sachant que la conservation légale eu égard à la compatibilité et au fisc sont confiées aux caisses obligatoires (trois ans plus l’année en cours). Autrement dit, la preuve juridique d’une FSE est assurée par la Sécurité Sociale.

Ainsi la vérification des FSE et des lots créés est primordiale. Cette vérification d’une bonne transmission s’effectuera au moyen d’un Accusé de Réception Logique (ARL) par lot de FSE transmis ainsi que par un retour d’avis de règlement ou de rejet faisant suite à la liquidation des FSE reçues. Ces retours seront opérés lors d’une connexion ultérieure. Avec la CSV1, le déclenchement du payement à lieu dès réception du lot par la sécurité sociale. Avec CSV2 et le fichier d’opposition, le professionnel de santé aura à mettre la carte à jour et vérifier ce fichier d’opposition. Toutefois, même si ce fichier n’est pas à jour, et que les droits ne sont plus ouverts pour un assuré donné, la sécurité sociale sera dans l’obligation de payer, il s’agit donc pour le pharmacien d’une garantie de paiement. Malheureusement comme nous l’avons vu, les études les plus optimistes annoncent la mise en service de cette fonction vers 2005 avec la CSV2.

 Pour la télétransmission des FSE, il existe deux normes :

 

Cette norme 615-B2 / NOEMIE sert au formatage des données, on lui a associé la norme TCP IP – EDIFACT pour la méthode d’envoi via le Réseau Santé Social. La norme 615B2/NOEMIE, à ce jour, ne passe toujours pas l’an 2000. Ces télétransmissions utilisent donc un réseau particulier : le Réseau Santé Social (RSS).

Le Réseau Santé Social

 Le RSS (Réseau Santé Social) est un réseau de télécommunication qui a vocation à devenir le réseau d'échange de données électroniques entre tous les acteurs du secteur Santé Social en France. Il est de type Extranet, c'est-à-dire qu'il offre les avantages d'un réseau de type Internet (couverture nationale, qualité de service, rapidité d'acheminement, etc.) aux seuls utilisateurs abonnés à ce réseau.

Le RSS permettra à tous les acteurs du secteur Santé Social :

 

Le RSS achemine non seulement les fichiers de lots de feuilles de soins électroniques mais aussi les messages retour restitués par l'Assurance Maladie Obligatoire aux Professionnels de Santé, c'est-à-dire des accusés de réception logiques des fichiers envoyés ou le résultat de la liquidation des feuilles de soins électroniques acquittées puis traitées par l'Assurance Maladie Obligatoire. Pour des raisons d'efficacité, de fiabilité et de rapidité de mise en service, les pouvoirs publics ont choisi de déléguer par concession la réalisation et l'exploitation du RSS. La société Cégétel-RSS, filiale de Cégétel, a été retenue comme concessionnaire pour une durée de cinq ans.

L’idée est à terme de faire circuler chaque année sur ce réseau informatique un milliard de feuilles de maladie, et l’ensemble des informations médicales, épidémiologiques ainsi que des programmes de formation pour les quelques 300 000 professionnels de santé. Le plan Juppé de 1996 l’a décrété, la CNAM l’a proclamé le 13 janvier 1997 (" SESAM Vitale c’est parti " disait le communiqué), et Martine Aubry l’a re-proclamé le 31 décembre 98. Ce réseau utilise le système ce communication par fibre optique de la SNCF.

A peine signé, le contrat de concession du RSS à Cégétel est critiqué de toutes parts. Lors des réunions de la CNAM consacrées à ce contrat, les représentants FO et de la CGT ont voté contre, et la Mutualité française s’est abstenue. Pour ces organisations, comme le dit l’un de leurs dirigeants, " il est particulièrement choquant de confier un service public à une entreprise privée à but lucratif ". De fait, Cégétel escompte réaliser rapidement plus d’un milliard de chiffre d’affaires grâce au réseau, pour lequel le groupe VIVENDI aura investi au total 100 millions de francs.

Parmi les recettes qu’entend engranger, grâce au RSS, le groupe privé, il y a notamment les programmes de formation qui seront préparés par des organismes privés, ou par des journaux comme " le Quotidien du médecin ", une publication professionnelle sur laquelle Havas, filiale du Groupe VIVENDI, s’apprête à mettre la main. Martine Aubry a bien vu le danger de dérive mercantile du RSS. Dans un communiqué, il est dit que le gouvernement se réserve le droit de ne pas donner son agrément pour l’accès au RSS aux " fournisseurs de service contenant ou diffusant de la publicité, notamment en faveur de produits remboursables par la sécurité sociale ". Mais l’exemple d’Internet montre qu’une fois les sites installés rien ni personne ne peut limiter réellement leur liberté de parole. Quand à la pub, elle sait se déguiser.

 

Les principes de base du RSS sont fort simples à mettre en œuvre et peu coûteux :

 

Il ne s’agit en fait que d’adapter des outils déjà répandus dans l’industrie et le commerce à un secteur dont les spécificités et les besoins sont désormais bien cernés. Toutefois, pour le pharmacien, le problème reste entier, car tant que les logiciels ne sont pas agréés, la CPS n’est pas distribuée et donc aucune connexion au RSS n’est possible. Pour le moment aucune date n’est donnée, il semble qu’il faille attendre encore plusieurs mois. Cégétel ayant cerné le problème (25 000 pharmaciens, clients potentiels lui échappent), propose aux PS n’ayant pas encore reçu leur CPS, un abonnement partiel donnant accès uniquement aux services Internet.

 

Ainsi, depuis le 1er novembre 1998, CEGETEL propose les tarifs suivants :

 

 

Abonnement RSS

Abonnement RSS + Internet

30 minutes par mois

(la ½ h supplémentaire)

35F

(+8F)

60F

(+8F)

3 heures par mois

(l’heure supplémentaire)

60F

(+15F)

80F

(+15F)

Durée illimitée

85F

155F

Avec un abonnement de base de 35F par mois, CEGETEL joue la carte du tarif attractif. Derrière ce prix d’appel, le concessionnaire de l’intranet prévoit une panoplie de services payants. L’épais contrat signé qui fixe les conditions comporte un préambule, 7 chapitres, 38 articles et 11 annexes. C’est donc une offre à étudier de près. Un seul mot d’ordre : " les tarifs et les services sont susceptibles de bouger sans préavis ".

En plus de ces tarifs, pour 10F par mois, il est possible de doubler la capacité de stockage de la boîte à lettre : 20 Mo au lieu de 10 dans l’abonnement de base. Il faut compter 603F pour l’assistance à l’installation et autant en sus par an pour une assistance 24h/24, 7j/7. Les trois premiers mois, CEGETEL offre la Hot Line téléphonique mais la facture 2,50F la minute ensuite.

Mais nous ne sommes pas les seuls à payer Cégétel. En effet, pour chaque flux de FSE, arrivant via le RSS sur l'un des 4 points d'entrée dans le Réseau RAMAGE, les CPAM versent 20 centimes à Cégétel. Dégressivité oblige, à partir du 500 millionième document Cégétel ramène ses tarifs à 10 centimes puis à 5 centimes à partir de 1 milliard de décomptes acheminés. Selon l'hypothèse d'une montée en charge de 50% de FSE en fin de concession le coût estimé de l'engagement de Cégétel se chiffrerait à 750 millions de francs, le coût des FSE pour les Caisses à 212 millions de francs et à 265,5 millions de francs l'investissement des professionnels, voir à 450 millions s’ils sont 80% à transmettre. La sécurité sociale a tout de même réussi à tirer son épingle du jeu. Elle refacture chaque FSE 72 centimes aux organismes complémentaires qui doivent venir chercher l'information sur le serveur de la sécurité sociale. Elle empochera ainsi à terme plus de 700 millions de francs par an avec cette seule astuce. A qui fera-t-elle croire qu'elle ne peut pas réinvestir quelques dizaines de millions de francs pour permettre la gratuité d'accès au RSS à tous les professionnels de santé ?

Ainsi à projet audacieux, calendrier audacieux. Voyons donc les principales étapes de cette mise en place à retardement.

 

Comme nous l’avons vu, la modernisation du système de liquidation des prestations est un souci constant de la CNAM-TS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Sociaux) depuis le début des années 70. Dès 1978, celle-ci réfléchit donc à une organisation reposant sur la saisie à la source des informations nécessaires à la liquidation, sécurisée par la présentation d’une carte électronique. Baptisé SESAM Vitale, le projet est devenu dès 1986 celui de toute l’assurance maladie.

Depuis 1996, avec l’ordonnance du 24 avril 1996, l’évolution du projet est fonction des problèmes techniques, économiques et surtout politiques. C’est pourquoi, il semble utile de reprendre les étapes du programme en fonction de ces trois critères. Voyons donc dans un premier temps le calendrier Economique et Technique puis par la suite, le calendrier plus politique du dossier.

  

Le Calendrier ECONOMIQUE et TECHNIQUE :

 

    1. Les Dates Clés depuis 1991 :

  1. Naissance du Schéma Directeur Carte soutenu par les trois principaux régimes d'assurance maladie obligatoire (régime général, régime agricole, régime des professions indépendantes) : il décrit la mise en œuvre de SESAM-Vitale.

1997

Pour ces deux dernières dates, le doute reste de mise car les logiciels n'étant pas agréés pour les pharmacies, la date du 1er Janvier 2000 reste donc illusoire en ce qui concerne les amendes de la Sécurité Sociale. En effet comment pourra-t-elle sanctionner un professionnel de santé (médecin, infirmière...) et pas un autre comme les pharmaciens. D'autre part en ce qui concerne la mise en place de la CSV2, les plus optimistes prévoient sa distribution pour 2005...

 

    1. La Généralisation du Système :

Cette généralisation de SESAM Vitale à l'ensemble de la population française a été prévu en deux temps. Comme nous l'avons vu, la carte Vitale 1 familiale a été distribué sur l'ensemble du territoire national, son remplacement progressif est prévu.

Pour notre région Nord Pas de Calais Picardie, le déploiement de la CSVI a débuté en Septembre 98 pour s'achever en Février 99. (1,7 millions de carte étaient distribuées au 05/11/98 et 158 points de mise à jour installés). Nous avons été l'une des premières régions à en être dotée. Ceci étant dû à la proximité des sites expérimentaux du Nord, de la Bretagne et des Ardennes.

Voyons donc la mise en place de SESAM dans ces sites expérimentaux.

 Les Sites Expérimentaux :

Comme tous les grands projets, la mise en place de la CSV a nécessité des sites expérimentaux afin de déceler les faiblesses du système. La CNAM-TS a donc distribué la carte définitive dans quatre sites tests: Vitré fin Mars 1998, puis à Bayonne en Avril, à Boulogne / mer et Lens (Lillers) en Mai, à Blois (Onzain) en Juin 98, et dans deux régions: la Bretagne entre Avril et mai 98 et en Champagne Ardenne entre Mai et Juin 98.

 

Le lancement officiel de la CSV1 a eu lieu le 5 mai 98 soit 6 mois après la date prévue. Dans cette région, connue pour ses irréductibles, le lancement n’a pas connu le succès escompté. En effet, dès le départ, les pharmaciens Bretons ont mis en avant leur droit de refuser de participer au projet. Cette région étant très fortement syndiquée, les pharmaciens ont naturellement suivis le mot d’ordre national du syndicat. C’est à dire boycott complet du système tant que des accords Syndicat-CNAM n’ont pas été signés au niveau national. Parmi les plus farouches détracteurs du système, on retrouve Pierre Leportier, président de la Commission Protection Sociale à la Fédération Nationale des Pharmaciens et titulaire Breton. Face à cette fronde, la CNAM a répliqué par le décret publié au J.O. du 13 mars 98, qui lui permet de proposer directement à chaque professionnel de santé un contrat d’aide à l’informatisation. La CNAM n’ayant ainsi plus besoin d’un accord national pour imposer son projet. Malgré cela, les pharmaciens ont tenu bon. Comme l’explique Pierre Leportier, les pharmaciens n’ont aucune raison d’accepter individuellement les conditions jugées inacceptables par leurs représentants. D’autre part considérant que le coût par officine de la mise en place de SESAM Vitale est évaluée à 45 000F, les 15 000F d’aide à l’informatisation (dont 13 000F sous forme d’un prêt à taux zéro sur 3ans) ne sont jamais que la redistribution des avances pharmaceutiques qui sont déjà la possession de la profession. Il met donc en garde ses confrères : " Ne signez pas un contrat qui est un leurre ". De plus, le représentant de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France rappelle que le Centre National des Professionnels de Santé (CNPS) est contre le " solde de tout compte ". Le CNPS souhaite que soit indemnisé de façon permanente tous les coûts inhérents au système que la CNAM impose. Ce qui inclut la maintenance, le coût de la télétransmission et celui de l’abonnement au RSS.

Ainsi toutes les réunions CNAM-pharmaciens consacrées à l’évolution du projet ont été boycottées. A l’une d’entre elle, il n’y avait que quatre jeunes pharmaciens sur 1 177 au total en Bretagne concernés par cette réunion. Sur ces quatre, aucun n’est encore installé. Ainsi, paradoxalement, le déploiement de SESAM Vitale en Bretagne s’est fait dans un premier temps sans la profession la plus informatisée.

Les médecins ont eux aussi eu l’occasion de découvrir la carte sur le site de Vitré. Là encore, peu nombreux sont ceux qui ont vraiment adhérer au projet. Ils ont rédigé un rapport concernant les points à revoir en ce qui concerne l’exercice quotidien du médecin généraliste. En voici les grandes lignes :

D’autre part, l’une des bonnes nouvelles de la mise en place de ces cartes Vitale selon un médecin expérimentateur sur le site de Vitré est que " la carte est plutôt un outil contre le tiers payant ". " Cet aspect positif doit être maintenu. Elle permet de responsabiliser le patient à l’heure où on parle plus que jamais d’économies sans léser ceux à faible revenu du fait des délais rapides de remboursement ".Toutefois, les médecins dans leur rapport sur l’expérimentation tiennent à préciser d’autres points :

Comme nous pouvons le constater, les revendications des médecins sont proches de celles des pharmaciens qui ont expérimenté le système.

La CPAM représente 125 000 assurés sociaux et cette région compte 97 officines. Dans cette région, on observe 55% des décomptes de Sécurité sociale réalisés en télétransmission, c’est le plus fort taux de France. Historiquement, ce taux est dû à la présence de très nombreuses pharmacies mutualistes du " Secours Minier ", très implanté dans cette région. Depuis 90-91, la carte d’assuré social papier a fait place à une carte à puce ou Vitale 0 avec pour objectif de mesurer leur degré d’acceptation et leur impact organisationnel. Ces cartes sont actualisables dans des bornes à disposition des assurés sur toute la circonscription boulonnaise. Comme la Vitale 1, la Vitale 0 est à logique familiale, la différence entre les deux se situe au niveau de la mise à jour de la puce. Sur la Vitale 0, les informations se juxtaposent, elle n’est pas réinscriptible contrairement à la Vitale 1 où les informations se superposent.

Ainsi la labelisation des premiers logiciels pharmaceutiques à la norme 1993 (et non pas norme 96) a permis en 1995 de commencer la télétrans SESAM en plus de la télétrans classique. Fin 1997, cet essai télétrans ne touchait que 10 pharmaciens alors que la télétrans classique était effectuée depuis plusieurs années par 95 des 97 pharmacies. On peut noter d’autre part que seul un médecin, sept infirmiers et quatre kinés ont télétransmis par SESAM Vitale. Ce petit effectif paraît bien maigre pour un site expérimental " grandeur nature " comme l’annonçait la CPAM.

Comme le dit un pharmacien d’Outreaux, qui s’est lancé à fond dans cette expérience, le seul argument en faveur du système c’est qu’il ne faut plus décoller les vignettes. Mais la lenteur générale, et en particulier la mise à jour des cartes, imposait deux minutes d’attente à chaque patient. Cette lenteur engendre donc une attente certaine au comptoir. Ainsi le gain de temps du " zéro vignette " est largement perdu par cette mise à jour obligatoire.

On peut donc retrouver dans cette mise en place même partielle, les avantages de SESAM (0 vignette), mais aussi les inconvénients de Vitale (lenteur des transmissions et des échanges de données).

 

Une question peut donc être posée :

 

Pourquoi la CNAM ne développe-t-elle pas un système SESAM seul sans Vitale comme dans le département des Yvelines site expérimental depuis Décembre 1996 ?

 

Dès Décembre 1996, les pharmaciens du département des Yvelines découvraient le " zéro papier-zéro vignette ". Dans ces pharmacies, la délivrance se passe comme partout ailleurs sauf au moment de la facturation . Le pharmacien dans ce cas n’établit plus de facture subrogatoire classique mais les mentions essentielles concernant l’assuré et la délivrance sont inscrites au dos de l’ordonnance, le patient n’ayant plus qu’à signer. Il reste donc au pharmacien à biffer les vignettes restées collées sur les boîtes et le soir, à télétransmettre à la CPAM les factures (les ordonnances sont déposées à la Caisse les jours suivants). Six jours plus tard, l’officine est remboursée (l’avenant annonçait quatre jours mais la moyenne constatée est de six jours). Dans ce cas il s’agit bien du système SESAM sans les inconvénients de Vitale. Cela prouve donc que la télétransmission des FSE qui permettra une économie de gestion aux Caisses de Sécurité Sociale n’est pas obligatoirement liée à l’emploi d’une carte à puce. D’autre part, les pharmaciens se sont aperçus que l’adoption du système SESAM a eu un impact sur les clients. Les clients se sont en effet rendus compte rapidement du changement. On leur a d’abord dit " Nous n’avons plus besoin des vignettes, nous n’avons plus besoin des papiers, vous n’avez plus besoin de rien du tout " comme le dit un pharmacien concerné par cette expérience. Il s’est alors passé une chose intéressante : lorsqu’un pharmacien s’est lancé le premier sur SESAM dans son secteur, des patients ont changé de pharmacie pour aller vers lui : sans doute son image avait-elle changé dans le sens de la modernité. De plus dans tous les cas où le système fonctionne, le gain de temps pour les remboursements n’est pas un argument négligeable pour le patient.

 

A Charleville-Mézières, où l’expérience SESAM a été couplée à Vitale, ce sont les patients qui ont joués un rôle moteur car ils souhaitaient utiliser la carte qu’ils avaient reçue. En un mot, les patients ne veulent plus se casser la tête avec des problèmes qu’ils savent évitables grâce à l’informatique. De plus, ils sont, semble-t-il, favorables à la présence future sur leur carte de renseignements médicaux dont ils savent qu’ils vont les préserver de certaines erreurs possibles parce que tous les professionnels de la chaîne seront avertis. C’est ce que l’on retrouve dans l’expérience de la carte SANTAL de Saint-Nazaire. On peut toutefois se poser une question toute simple. Pourquoi avoir choisi le site de Charleville après celui de la Bretagne ? La réponse est simple : deux groupes de fabricants se partagent l’équipement informatique des caisses régionales de la Sécurité Sociale. La société BULL équipe la Bretagne ainsi craignant d’être mis à l’écart, IBM a protesté. Pour calmer le géant américain, la CNAM a choisi une " région IBM ", Champagne-Ardenne, afin de poursuivre l’expérience d’informatisation de la médecine !

 (e) Le choix SANTAL de Saint-Nazaire :

Depuis 1988, la région de Saint-Nazaire expérimente la carte Santal. 17 000 cartes à microprocesseur remplacent la carte papier et intègrent une carte d’urgence et un carnet médical. Les trois pharmaciens de Pontchâteau et celui de Sainte-Reine-de-Bretagne ont reçu dans leur officine une borne de lecture des cartes Santal. Pour les titulaires de Pontchâteau, l’expérience est loin d’être concluante. Très peu de clients apportaient leur carte (deux par jour en moyenne). Cet état de fait est dû aux nombreux problèmes techniques qui ont découragés tout le monde (professionnels et patients). En cas de panne du lecteur, il n’y avait pas d’appareil de rechange disponible rapidement. Dans le cas SANTAL : il y a une carte par ayant droit comme pour la future CSV2, ainsi dans une famille de sept personnes il y avait sept cartes à gérer. Le plus souvent, les clients se présentaient à l’officine avec une ordonnance mais n’avaient pas la carte correspondante. On peut donc imaginer ce qui va arriver sur l’ensemble du territoire français quand la CSV2 sera en place. Outre le fait du manque de suivi des patients, la Caisse de sécurité sociale n’a pas mis à jour correctement les cartes (erreur de taux de remboursement, ALD passé en 1/3 payant, date de naissance incorrecte…). Ces erreurs nombreuses et variées entraînant inévitablement le rejet des dossiers. En ce cas de perte ou de vol, il faut attendre 3 à 4 mois car la société fait des envois groupés. Encore un point à surveiller lors de la généralisation de la CSV, en effet on ne compte plus à l’officine le nombre de carte papier ayant fait un passage dans la machine à laver ou tellement chiffonnée que les dates sont illisibles. Combien va coûter le remplacement de ces cartes détériorées ? Avec une carte papier une simple copie d’écran de la Sécurité sociale suffit pour mettre à jour les droits ou remplacer la carte perdue. Avec la carte à puce, il en va autrement.

 

En conclusion, de ces trop rares expériences du projet menées jusqu’à ce jour, Jean de Kervasdoué, auteur du rapport " La puce et le stéthoscope ", commandé par Jacques Barrot et remis à Martine Aubry, affirme que les probabilités que le système fonctionne avec un taux de fiabilité satisfaisant sont faibles. Le taux de fiabilité n’a en effet pas dépassé 60% lors des expérimentations alors qu’il aurait dû approcher les 100% pour rendre le système crédible.

Le Calendrier TECHNIQUE et POLITIQUE :

  1. L’avant Plan JUPPE :

Au milieu des années 80, seuls quelques rares professionnels de l’informatique travaillaient sur un projet de carte à puce destinée aux assurés sociaux. Ce projet est donc resté à l’époque très confidentiel, les différents acteurs n’étant pas conscients de l’importance que prendraient dans les années suivantes, les systèmes d’échanges de données informatisées. Dès cette époque, il était toutefois possible d’apprécier l’extrême complexité qu’allait rencontrer ce projet comme l’explique Nicolas Crêtaux, informaticien dans le secteur de la pharmacie (Futur conseiller technique de Jacques Barrot, Ministre de la Santé dans le Gouvernement Juppé de 1995). Ainsi comme il le dit :

A ce stade, on ne peut faire qu’un seul constat, le projet qui ne s’appelle pas encore SESAM Vitale est bien mal engagé.

 

  1. Novembre 1995 :

    A cette date correspond l’annonce du plan JUPPE qui prévoit entre autre, l’informatisation généralisée des professionnels de santé et la liaison entre l’informatique libérale et l’informatique hospitalière. C’est à ce stade qu’est également annoncée la généralisation de la carte santé qui est présentée comme le remède qui permettra de résoudre tous les problèmes techniques posés par le projet lui-même. A cette époque, les idées les plus folles sont émises : qui n’a pas entendu dire que la photo du titulaire figurera dans la carte, en compagnie de tout son dossier médical, que la carte servira de navette entre les prescripteurs et les pharmaciens… Toutes ces informations sont annoncées à grand renfort médiatique, au plus grand mépris des contraintes techniques : la capacité d’une carte à puce du type CSV1 est de 8 000 caractères, ce n’est pas un CD ROM.

    L’utilisation généralisée de la carte Vitale prévue dans le plan Juppé n’est en fait que le fruit d’un énorme travail de lobbying déployé depuis l’origine du projet par d’importants groupes industriels qui souhaitent pour des raisons commerciales évidentes rendre obligatoire l’utilisation de cette carte. En effet, il a été distribué 38 millions CSV1 à 10 ou 20 F pièce minimum et on parle de distribuer 60 millions de carte CSV2 à 50F pièce. De plus on équipera 300 000 professionnels de santé (PS) de " ville " et jusqu’à 1 millions de PS si on inclut l’hôpital, ce qui veut dire autant de carte de professionnel et de lecteur de carte. Sans oublier bien sûr les différents contrats de maintenance et les évolutions technologiques du parc lecteur/ carte à puce. On va même jusqu’à présenter un terminal portable factice dans toutes les CPAM de France qui est soi-disant capable de régler le problème des professionnels de santé en visite chez les patients (car pas de lecteur portable, pas de FSE). Mais là encore peu importe si AppleÓ , qui fabrique la machine a annoncé dans l’intervalle l’abandon de sa fabrication !

    N’oublions pas que fin 95, environ 30% des 23 000 pharmacies télétransmettent leur 1/3 payant aux organismes sociaux sans que la nécessité de la carte à puce se soit fait ressentir (même en employant SESAM comme dans les Yvelines). Parallèlement aux pharmaciens, la CNAM " incite " les autres professions à s’informatiser pour télétransmettre. La méthode, identique à celle qui a fait ses preuves avec les pharmaciens, est simple. Les délais de paiement aux praticiens des dossiers facturés en 100% ou 1/3 payant sont allongés de façon démesurée : ceci a pour conséquence immédiate (sous quelques courtes semaines) d’assécher la trésorerie du professionnel de santé. Le chantage peut alors s’exercer aisément : " si vous télétransmettez vos dossiers, nous vous garantissons un règlement sous 48 ou 72 heures ", sinon, la surcharge de travail du personnel de la caisse, le taux d’absentéisme, les vacances légales sont évoquées pour justifier l’inadmissible délai de plusieurs semaines de retard de paiement. C’est ainsi que 80% des pharmacies ont été contraintes de s’informatiser entre 1987 et 1990. Cette informatisation forcée n’a eu aucune contrepartie pécuniaire de la part des Caisses. Toutefois, l’un des problèmes majeur de la CNAM, c’est l’informatisation des médecins. Ceux-ci ne pratiquent pas le 1/3 payant, ce qui empêche les caisses de pratiquer la bonne vielle méthode ayant déjà fait ses preuves. Cet élément est fondamental pour la compréhension des rapports CNAM-médecins. C’est le principal atout dont disposent les médecins pour s’opposer aux plans de la Sécurité Sociale.

     

  2. Novembre 1995 - Mars 1996 :

    A cette époque, la CNAM annonce son intention de généraliser le projet SESAM Vitale et de l’utiliser comme système de référence sur lequel pourront ou devront – s’ils en sont capables – se greffer tous les autres volets de l’informatique médicale : messagerie entre professionnel de santé, télémédecine, dossier médical informatique, etc.…

    Rappelons qu’à cette date, le projet est vieux de 10 ans et qu’il a été initialement élaboré comme une approche de la télétransmission des feuilles de soins. Il n’a jamais été conçu comme l’épine dorsale à partir de laquelle l’ensemble des services télématiques que le plan Juppé veut promouvoir et que les professionnels de santé réclament à cor et à cri, pourra se déployer.

     

  3. Avril - Juin 1996 :

Durant cette période, de nombreuses voix s’élèvent contre le projet, notamment Nicolas Crêtaux. Celui-ci rend un rapport au ministre de la Santé de l’époque, Jacques Barrot, qui insiste sur les décisions urgentes à prendre :

Suite à ce rapport, Charles Rozmaryn a été chargé par Jacques Barrot d’une mission d’audit sur l’informatisation de la Santé.

 

  1. Juillet - Septembre 1996 :

    Le 4 Juillet, une conférence de presse est organisée par le GIE SESAM Vitale et le GIP CPS. Diverses informations calendaires sont fournies qui font apparaître dès cette époque un premier dérapage du projet. Courant Septembre, les premiers éléments du rapport Rozmaryn filtrent. Ils confirment point par point les critiques fondamentales émises par Nicolas Crêtaux dès le mois d’Avril. On peut considérer qu’à partir de cette date, la quasi totalité des experts est d’accord pour conclure que le projet SESAM Vitale est inapplicable. Un consensus autour d’une solution TCP/IP-EDIFACT se dégage. Tous les intervenants, à part la CNAM, se retrouvent " dans le même camp ".

  2. Octobre - Novembre 1996 :

Le bras de fer entre les négociateurs du Ministère et ceux de la CNAM commence. Paradoxalement, ce dossier qui est d’une terrible complexité technique va être débattu entre technocrates et/ou politiques. Il a été impossible de cantonner les discussions au plan technique. Le 8 Octobre, Alain Juppé se rallie officiellement aux positions techniques défendues par Jacques Barrot. Face à cette opposition qui devient de plus en plus politique, la CNAM réaffirme son opposition farouche à toute modification du projet SESAM Vitale. Comme le dit Mr Jollés (vice-président de la CNAM) le 11 octobre 1996 :

Mr Jollés admet tout de même que la position nette du Groupe Inter-Industries en faveur d’une solution TCP/IP-EDIFACT est troublante, compte tenu de la qualité de ses signataires.

 

Ainsi le 12 novembre 1996, Jacques Barrot et Hervé Gaymard (Secrétaire d’état à la Santé) écrivent à Mr Jean Marie Spaeth (Directeur de la CNAM) :

 

Fin Novembre, Mr Bedere, responsable au GIE de l’élaboration du cahier des charges admet qu’un certain nombre des questions posées par les différents rapports (et qui ont des répercussions fondamentales sur le bon déroulement du projet) n’ont pas de réponses de la part du GIE. Cela n’empêche aucunement au cahier des charges d’être validé définitivement par les deux commissions du GIE les 20 et 21 Novembre 1996.

 

  1. Décembre 1996 :

Alors que France Télécom propose de s’abonner à Numéris pour le coût d’un abonnement normal et que les modem Numéris viennent de passer sous la barre des 2000F, les protocoles de transmission imposés par la CNAM dans le cahier des charges interdisent de telles liaisons et obligent les professionnels de santé à s’équiper de modem RTC (Réseau Téléphonique Commuté) d’ancienne génération afin de transmettre à la vitesse de 2 400 bds (vitesse du réseau RAMAGE de la CNAM) au lieu des 64 000 ou 128 000 bds de Numéris.

D’autre part mi-décembre, le rapport Rozmaryn est cette fois publié. Il s’agit d’une critique pure et simple du projet de la CNAM. Il stigmatise l’ensemble " des très graves défaillances techniques du projet SESAM Vitale "

Un nouveau système est donc préconisé :

  1. Janvier 1997 :

    L’ensemble des experts informatiques à l’exception de ceux qui ont imaginé et soutenu SESAM Vitale, est d’accord sur deux points fondamentaux : - le projet ne pourra jamais fonctionner dans ces conditions pour de simples raisons techniques, et - seule une solution faisant largement appel à des architectures et normes ouvertes peut répondre au challenge, en terme de coût, de délai, de complexité, de mise en œuvre. Il faut donc utiliser un réseau TCP/IP sur lequel les données seront échangées suivant la norme EDIFACT, et sécurisé grâce à la carte CPS.

    La CNAM à ce moment perd l’ensemble du contrôle qu’elle escompte exercer sur le système informatique de santé Français. Bien obligée, elle jure donc que la FSE passera par le RSS et multiplie les déclarations en ce sens.

     

  2. Mai 1997 :

    Les temps changent, et les équipes de Jacques Barrot s’effacent. A ce moment, resurgissent les technocrates de la CNAM qui avaient été réduis plus ou moins au silence. Martine Aubry, a beau lancer dès le 1er juillet, l’appel d’offres du Réseau Santé Social, rien ne les arrête. Profitant des flottements dans les ministères, la direction de la sécurité sociale, rejointe par la quasi totalité des fabricants de carte à puce, sort la Carte Vitale 2 dont le lancement est prévu d’ici à l’an 2000. Cette carte plus performante permettra de véhiculer la photo du malade, les données médicale, les feuilles de soins des 3 derniers mois, et bien sûr l’âge du Capitaine ! Cette description a un air de déjà vu ! Elle n’est pas sans rappeler le lancement de la Carte Vitale première du nom. Pour cette nouvelle série, la CNAM affirme disposer d’une carte de capacité de plusieurs millions de caractères et non plus 8000 comme la Vitale 1.

    Mais l’étude de cette nouvelle carte n’empêche pas la CNAM de mettre sur le marché une quinzaine de millions de CSV1 à 20F pièce, et fabriquées par Shlumberger, Oberthur, et Bull, ainsi que 8 000 bornes de mises à jour à 25 000F pièce fabriquées chez ASCOM Monétel et 150 000 lecteurs de carte à 1 600F fabriqués par DASSAULT AT et ASCOM Monétel. Ainsi ce projet avant même de fonctionner aura déjà coûté la bagatelle de 500 millions de francs.

     

  3. Avril 1998 :

    C’est officiel ! Le réseau santé social a bel et bien été mis en route le 2 avril 1998. Afin de ménager un effet d’annonce au Medec (le Salon Médical de Paris), c’est dans la plus grande discrétion que, Richard Lalande, président de la société anonyme Cegetel-RSS et la ministre Martine Aubry, au nom de l’Etat, ont signé le 16 mars 98, pour une durée de 5 ans, le contrat de concession de service public. Dans la foulée, le 18 mars, la CNAM TS a donné mandat à son directeur de signer avec CEGETEL, au grand dam des administrateurs FO et CGT, qui restent réfractaires à la cession du réseau à l’opérateur privé. Il semble en effet choquant que les professions de santé aient à payer un accès Intranet afin de transmettre des factures pour le compte de la sécurité sociale.

     

  4. Janvier 1999 – Aujourd’hui :

Bien qu’à une certaine époque, on a cru que l’arrivée de la CSV2 rendrait obsolète la CSV1 et par la même les lecteurs ainsi que les bornes de mises à jour, il semble aujourd’hui que les technologies des deux systèmes seront compatibles. En effet, il aurait été gênant de devoir mettre à la poubelle des lecteurs de cartes avant même d’avoir pu s’en servir. Toutefois, il convient d’être prudent, car comme nous l’avons vu, le projet SESAM Vitale est émaillé depuis son lancement d’effets d’annonces afin de contenter quelque temps les personnes concernées par sa mise en place. On peut de plus noter que si la mise en route de la CSV2 est aussi longue que pour la CSV1, les professionnels de santé ont le temps de voir venir les modifications technologiques éventuelles.

A côté du type de carte proprement dit, aucun logiciel agréé n’est disponible sur le marché et ainsi aucune pharmacie ne peut lire les cartes. Le système ne peut donc pas fonctionner après 20 ans de mise en œuvre. On n’ose pas le croire ! La CNAM, en distribuant les cartes aux assurés savait qu’ils ne pourraient pas s’en servir avant un bon moment. Il faut quand même rappeler que c’est la sécurité sociale qui donne l’agrément aux logiciels par le biais du GIE SESAM Vitale. C’est un peu comme s’il n’existait pas de lecteur agréé par les banques pour le paiement par carte bleue chez les commerçants. Autrement dit, quand bien même :

 Le système reste bloqué pour les pharmaciens et pour une grande partie des médecins de ville parce qu’il n’existe pas de programme agréé pour lire cette carte. Il est possible de le vérifier sur le 3614 CNDA ou sur le site www.sesam-vitale.fr/agrément.html. Et ce n’est pas d’un simple et unique logiciel dont on a besoin mais de plusieurs centaines afin de répondre à la diversité des équipements et des caractéristiques propres aux 23 000 pharmacies.

Tous les français savent que les pharmacies sont équipées de systèmes informatiques dotés de plusieurs points de vente. Or, et malgré de nombreuses réclamations depuis plusieurs années, aucune spécification technique n’a été publiée par le GIE pour expliquer comment déployer en réseau les magnifiques lecteurs. On est actuellement incapable de faire fonctionner le système dans les pharmacies tout simplement parce que les sociétés d’édition de logiciels ne disposent pas des spécifications techniques.

 

  1. L’an 2000 ? :

Comme dans n’importe quel traitement informatique de facturation, le problème de l’€uro et du passage de l’an 2000 est posé. Ils se pose donc le même problème aux normes de télétransmission classique appartenant à la CNAM : norme 615B2 et NOEMIE.

 

SESAM Vitale est comme nous l’avons vu, un projet de très grande envergure. Ce projet qui est en passe de devenir une réalité a déjà coûté plusieurs millions de francs aux contribuables et risque de déstabiliser gravement l’économie de nombreuses officines.

Voyons donc dans un premier temps ce que coûte SESAM Vitale à l’Etat et dans un second temps le coût estimé de son implantation à l’officine.

  

Le Budget SESAM Vitale

 

4 milliards de francs, c’est le budget prévu par la CNAM sur 3 ans dans son estimation basse pour la mise en forme de SESAM Vitale sur l’ensemble de la France.

Il s’agit en fait d’un budget prévisionnel qui se décompose comme suit :

A cet total, il faut ajouter les coûts :

Ne sont pas pris en compte les coûts liés au paramétrage des lecteurs notamment le chargement du programme du GIE. Celui-ci sera obligé de fournir une nouvelle version de son logiciel pour permettre la lecture de la CSV 2 quand celle-ci sera mise à disposition du public. En effet, le programme qui gère les lecteurs de carte SV1 n’est pas compatible avec la CSV2. Pour le moment aucune estimation du coût de cette mise à niveau des lecteurs n’a été réalisée. On peut tout de même s’étonner de se manque de compatibilité entre les deux cartes alors que le lancement de la CSV2 est prévu par la CNAM pour la fin 1999, et que les lecteurs ont été mis sur le marché début 1999.

D’autre part, il faut préciser que la revente des lecteurs aux professionnels de l’informatique est organisé par le GIE. Toutefois, le GIE ayant eu la délicatesse de publier le prix auquel les éditeurs sont supposés les lui acheter, cela leur interdit de réaliser la moindre marge sur le lecteur, alors que le transport, la programmation et l’installation sont censés leur échoir. De plus l’unité de commande est de 50 lecteurs soit un montant de 80 000F ce qui est inabordable pour une grande partie des éditeurs de logiciel.

En ce qui concerne les dépenses propres aux caisses régionales d’assurance maladie, on ne connaît pas le nombre de terminaux portables dédiés, munis d’un lecteur de cartes pour équiper ses agents. A quel prix ? Une estimation basse a été réalisée : 10 000 portables à 15000 F l’unité, donne un total de 150 millions de FF.

Enfin, restent les bornes de mises à jour, élément technique indispensable pour que le système puisse fonctionner. Elles vont coûter prés de 1,5 milliards de FF à la CNAM dans une estimation basse là encore. En effet, elles seront réparties sur tout le territoire français, si on compte une borne par commune en moyenne (certaines en auront plusieurs dizaines, d’autres aucune) cela fait 38 000 bornes. Toutefois il est regrettable que l’imprimante, prévue dans le cahier des charges de la borne, ne soit pas présente au final. Ainsi, un assuré venant mettre sa carte à jour, ne se verra pas remettre de fiche reflet reproduisant le contenu exact de la carte. Comme les informations de la CSV ne peuvent pas encore être lues par le pharmacien, celui-ci n’a plus de moyen de contrôle des dates de la carte. Cela l’oblige donc le plus souvent à contacter par téléphone ou Minitel le fichier de la sécurité sociale. C’est encore une perte de temps.

Pour diminuer le nombre de ces bornes, la CNAM a imaginé une autre solution de mise à jour : la mise à jour en temps réel chez le professionnel de santé. A priori cette technique paraît raisonnable, il suffit de disposer d’une liaison Numéris au cabinet ou à la pharmacie pour obtenir des vitesses de connexion acceptables. Mais encore faut-il le prévoir d’entrée de jeu afin que les professionnels s’équipent de modem Numéris. Toutefois, un autre problème technique se pose : la puissance de l’ordinateur qui recevra les appels et le volume global de communications générés par ces mises à jour laisse songeur ! Aujourd’hui, la sécurité sociale reçoit environ 4 millions de feuilles de soins " papier " par jour, on peut donc tout à fait imaginer que ce volume correspondra à terme au nombre de FSE crées. Ces créations réparties sur 10 heures de travail hebdomadaire représentent 400 000 éditions à l’heure. Dans le cas d’une mise à jour automatique de la CSV chez le professionnel de santé, il y aura donc 400 000 consultations à l’heure du serveur de la CNAM. C’est exactement la même chose qu’une demande d’autorisation de carte bancaire à la différence que cette mise à jour aura lieu systématiquement. Et ce n’est pas parce qu’un premier commerçant à contrôler votre carte que le suivant ne le fera pas. On peut donc tout à fait imaginer qu’après le contrôle " médical " de la carte il y aura un contrôle " pharmaceutique ". La capacité actuelle du réseau IP (Internet Protocol) de France Télécom est de 15 000 appels simultanés. Il faudra donc attendre un " certain temps " devant son écran avant d’avoir l’autorisation d’établir une FSE. C’est exactement le reproche que font les pharmaciens ayant testé la carte : 2 minutes d’attente à chaque client est inacceptable.

Pour information : le plus gros serveur Internet du monde est celui de la télévision Américaine CNN International. Il ne reçoit " que " 2 millions d’accès par jour. Répartis sur 24 heures d’utilisation, cela fait 80.000 appels à l’heure. Ainsi annoncer publiquement que l’on va procéder aux mises à jour des cartes chez les professionnels de santé nécessite un minimum de réflexion et de concertation avec les professions concernées (médicales et techniques).

A la vue de ces différents éléments, on ressent facilement l’épais brouillard qui entoure la mise en place de ce programme. Au ministère de la Solidarité, on se veut rassurant, et pour qualifier les accusations de Nicolas Crêtaux et d’autres, Bertrand Fragonnard, directeur adjoint de la CNAM, parle de " sottises ". Pour lui, la carte permettra de faire 2 milliards de FF d’économies dans les 4 ou 5 ans à venir. Ce " futur simple " paraît assez aléatoire face au " passé simple " des dizaines de millions déjà engloutis. D’ailleurs la mission parlementaire sur l’informatisation médicale ainsi que la Cour des Comptes ont été très intéressées par ces dépenses démesurées.

Ainsi, dans son rapport du mercredi 17 juin 1998, la mission parlementaire sur l’informatisation médicale, a pointé sans reprendre l’argumentation de Nicolas Crêtaux, les dépassements des coûts passés et à venir du projet. Selon son président, Jean-Paul Bacquet (Député socialiste), l’informatisation a déjà coûté 470 millions de FF et " on nous annonce 3 à 4 milliards de F en dépenses supplémentaires dans les 3 ou 4 ans qui viennent. ". " L’informatisation du système de santé a été abusivement réduite à la transmission de la feuille de soin " résume le rapport d’étape. De plus, " une ambition nationale a été confondue avec un sous-projet à caractère administratif et financier " estiment les députés. Enfin, selon ces derniers, il conviendrait d’afficher aux yeux du monde médical et de la population " la véritable hiérarchie des objectifs " :

De ce fait, les parlementaires ont réclamés le report du chantier en attendant une " meilleure transparence ". En vain !

De même, la Cour des Comptes de la République a suggéré le lundi 29 juin 98 dans son rapport 1995-1998, de " réduire les coûts de mise en place de la CSV, tout en suscitant l’intérêt et l’adhésion " des personnes concernées. Elle estime en outre que ce projet a " un coût élevé qui pourrait être réduit ". Ils préconisent notamment d’étendre la durée de vie des cartes, de réduire le nombre de bornes de mise à jour de ces cartes, et de mettre en place un " suivi analytique du coût et des gains ". La commission des comptes de la sécurité sociale a donc estimé que sur 49,7 milliards de F de dépenses de gestion administrative du Régime Général de la Sécurité Sociale, 620 millions de FF étaient consacrés au seul projet SESAM Vitale en 1998. La Cour constate que " le développement du projet a entraîné des dépenses importantes ". " Le montant global des dépenses du régime général de l’assurance maladie de 1984 à 1996 est ainsi estimé à 406 millions de FF… auxquels il faut ajouter les dépenses consenties (418MF) par la CNAM TS, dont les dépenses de communication se sont élevées de 1996 à 1998 à prés de 9 MF, ainsi que 77 MF de participation au GIP CPS et au GIE CSV de 1993 à 1996 ", révèle-t-elle. La somme totale des dépenses prévisibles dépasserait donc, selon la cour des Comptes, " 5073 millions de francs pour Vitale 1 et le Réseau Santé Social sur 1998-1999, et cela, en retenant une hypothèse haute pour l’équipement des professionnels de santé, 6982 MF en intégrant le coût de 55 millions de cartes Vitale 2 et le fonctionnement du RSS sur cinq ans ".

D’autre part, à propos des expérimentations, " phase importante de SESAM Vitale ", la Cour des Comptes établit un constat pour le moins négatif. " Elles n’ont, en effet, pas fourni tous les résultats escomptés, en raison notamment de leur caractère incomplet ", explique la Cour. Ces expérimentations ont cependant permis de tirer quelques enseignements, comme " la prise en compte de l’avis des assurés ", " l’intégration des professionnels de santé ", ou " les conséquences du système sur le travail des caisses ". Sur ce dernier point néanmoins " les expérimentations du fait de leur taille trop réduite, n’ont finalement eu que très peu de conséquences ", note la Cour, précisant que " la télétransmission SESAM Vitale ne représente encore qu’une part minoritaire de l’activité des CPAM expérimentatrices ". Et pour cause puisqu’elle ne concerne que " 36% des décomptes pharmacie à Charleville, 30% des décomptes globaux à Bayonne, seulement 16% des dossiers traités par le centre de paiement de Vitré et 10% de son activité ".

Pour favoriser l’adhésion des assurés, le comité d’enquête insiste pour que soit annoncé " clairement " l’organisation de la télétransmission des ordonnances médicales : l’assuré ne supportant plus alors les frais d’envoi postal de l’ordonnance. Le rapport propose aussi de résoudre les problèmes techniques en suspens et " d’accélérer le codage des pathologie " dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne, assortie d’un mandat et d’un calendrier précis. Le comité demande enfin la création " d’une véritable instance de pilotage ", considérant que l’actuel " comité stratégique " n’est qu’une " réponse partielle ".

En conclusion, " seule une volonté déterminée pour tirer les enseignements des erreurs passées est de nature, pour la Cour des Comptes, à faire de SESAM Vitale un véritable atout pour le monde de la santé ". " Si les années 1997 et 1998 ont marqué des progrès sur divers points, la difficulté prolongée de l’Etat et de la CNAM à concrétiser des projets dont la nécessité est connue de longue date montre que des efforts importants sont indispensables tant pour donner à l’assurance maladie les instruments d’une gestion performante, que pour asseoir sur des bases objectives une maîtrise durable des dépenses ", conclut-elle.

Si nous devons entendre les cris d’alarme des spécialistes techniques de l’informatisation du monde de la santé. Si nous devons croire que la CNAM (maître d’œuvre du plus grand " cyber-chantier " que la France ait jamais connu) ait choisi d’engloutir 3, 5 ou 10 (?) milliards de FF d’argent public dans un projet voué à l’échec avant même d’être entré en service. Ne s’agit-il ici que de " sottises ", de " vociférations revanchardes ", de quelques prestataires, éditeurs de logiciels ou opérateurs de réseau, dont les produits peinent à obtenir l’agrément des instances décisionnelles de la CNAM ?

Leur diversité et leur unanimité ne nous incite pas à le croire !

Le problème est donc de savoir globalement quelle est la justification de ce gaspillage. En réalité, nous n’avons pas plus besoin de la Vitale 1 que de la Vitale 2, mais uniquement de la Carte de professionnel de santé pour sécuriser les transactions sur le RSS et donc sur l’ensemble du système de télétransmission de santé. Mais le RSS ne doit pas être un simple tuyau d’envoi des FSE, l’objectif doit être de mettre enfin à la disposition des professionnel de santé et du grand public, des outils technologiques en phase avec l’évolution industrielle et qui rendent de réels services aux utilisateurs potentiels. Malheureusement pour les industriels à la base du projet (les vendeurs de cartes), le système n’aurait besoin pour fonctionner que de 300000 CPS à 50F pièce (revendues 100F pièce aux professionnels de santé pour le moment).

Elles n’auront pas besoin d’être remplacées par des cartes de capacité supérieure (8 000 caractères étant largement suffisant pour identifier le professionnel de santé). De même le lecteur verrait son prix être divisé par 5 : un lecteur mono-fente suffirait amplement (300F au lieu de 1 600F à 2000F). Dans ce cas, fini les bornes de mise à jour.

Le seul véritable avantage de la CSV2, est de disposer du Volet d’Informations Médicales (VIM) et des trois derniers mois de traitement. Cette fonction risque de connaître le même sort que le bon vieux carnet de Santé c’est à dire rester dans un tiroir, ou comme les cartes Vitale 1 finir à la poubelle. Mais là il s’agit d’une autre histoire et très certainement du sujet d’une autre thèse.

  

Le Budget prévu pour l’Officine

 

950 millions de FF, c’est le coût global de la mise en place de SESAM Vitale prévu pour l’officine. Si 90 à 95% des pharmacies sont aujourd’hui informatisées, une analyse plus fine du parc informatique nous montre que ces professionnels se répartissent grosso modo en 3 catégories selon leur équipement.

Au total, l’adaptation des officines à l’évolution programmée du système de santé engendre un coût total d’environ 950 millions de F pour les officinaux. Le pharmacien pourra-t-il compter en définitive sur une subvention ? " La situation évolue, affirme Pierre Leportier, puisque Madame Martine Aubry a annoncé que la CNAM doit faire un effort pour rendre l’aide aux professionnels de santé pérenne. Il s’agirait d’une aide renouvelée tous les ans qui devra prendre en compte les coûts d’équipements spécifiques, de télétransmission, et de maintenance. Cette aide semble logique puisqu’il y a obligation légale pour le pharmacien d’utiliser un système imposé ". De plus, " le fonctionnement de SESAM Vitale est pris sur son temps de travail, et c’est l’Assurance Maladie qui est gagnante, puisqu’il y a transfert de charge en direction du professionnel de santé ", ajoute-t-il. A cela il faut ajouter que le pharmacien doit transmettre dans des délais précis, ce qui sous-entend un matériel fiable et une maintenance efficace.

Selon Martine Aubry, la CNAM doit accepter une indemnisation de manière permanente. Concernant cette indemnisation, si le principe est maintenant bien acquis, il reste encore à déterminer les règles avec l’Assurance Maladie.

 

En conclusion, tant que les outils techniques ne sont pas prêts, que la rémunération n’a pas été modifié et que la convention entre la profession et la CNAM n’est pas signée, il est urgent de ne rien faire et d’attendre que tout soit mis en place. Il faut que les pharmaciens soient patients et qu’ils ne soient pas tentés d’utiliser la carte à puce. Attendons la signature ou la convention qui donnera des garanties pour l’utilisation du système notamment en matière de paiement.

 

SUITE - IV - L'officine du futur

Bibliographie

©Lp : L'INFORMATIQUE A L'OFFICINE A LA VEILLE DU TROISIEME MILLENAIRE - 02.07.1999